LES DéPUTéS TENTENT D'UTILISER TIFF MACKLEM POUR MARQUER DES POINTS POLITIQUES

OTTAWA — Les comités parlementaires sont devenus de plus en plus polarisés au cours des deux derniers gouvernements libéraux minoritaires et ont fourni un lieu de théâtre politique en dehors de la Chambre des communes.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en sait quelque chose. Il se retrouve dans un champ de mines politique chaque fois qu'il témoigne devant le comité des finances de la Chambre.

Quatre fois par an, les députés ont l'occasion d'interroger le gouverneur sur la politique monétaire.

À une époque où l’inflation et les taux d’intérêt sont tous deux élevés, les députés – en particulier ceux de l’opposition – sont impatients de l’interroger sur des questions politiquement sensibles.

Le gouvernement fédéral dépense-t-il trop ? Dans quelle mesure la tarification du carbone fait-elle monter les prix ? L’éliminer ferait-il baisser les taux d’intérêt ?

Conscient du poids de ses propos, le gouverneur concentre ses réponses sur les implications de la politique budgétaire sur l’inflation.

Mais malgré tous les efforts de M. Macklem, ses propos sont souvent coupés et reconditionnés par les politiciens au service de leurs propres récits.

Cela a été clairement démontré jeudi, lorsque les conservateurs ont publié un communiqué de presse à la suite de la comparution de M. Macklem devant le comité, dans lequel il était indiqué que le gouverneur avait «confirmé que les 61 milliards $ de nouvelles dépenses de Trudeau n'étaient "pas utiles" pour faire baisser l'inflation et abaisser les taux d'intérêt».

Des extraits sur le réseau social X ont également rapidement circulé.

Mais ce qui manquait, c’était que M. Macklem n’a jamais pointé du doigt les dépenses fédérales.

Il a souligné que les provinces ont augmenté leurs dépenses, et que celles-ci ont été largement financées par le déficit.

«Cela a accru la contribution du gouvernement à la croissance», a dit M. Macklem, en réponse à une question sur la question de savoir si les politiques budgétaire et monétaire allaient dans la même direction.

M. Macklem a noté que le rapport de politique monétaire de la banque centrale d'avril prévoit que les dépenses publiques globales augmenteront de 2,75 % cette année.

C'est une hausse par rapport à sa prévision de janvier de 2,25 %, en grande partie à cause d'une série de budgets provinciaux qui augmentent les dépenses.

Notamment, le budget fédéral n'avait pas encore été présenté au moment de la publication de ces prévisions.

«Alors oui, cela n'aide pas à tenter de réduire l'inflation», a affirmé M. Macklem à propos de l'augmentation du taux de croissance des dépenses de tous les niveaux du gouvernement canadien mis ensemble.

La Presse Canadienne a demandé à la Banque du Canada si la réponse du gouverneur était fidèlement reflétée dans le communiqué de presse des conservateurs.

«Nous laisserons le témoignage du gouverneur parler de lui-même», a indiqué Paul Badertscher, directeur des communications de la banque centrale, dans un courriel.

Les conservateurs n'ont pas répondu à la question de savoir s'ils pensaient que les dépenses des gouvernements provinciaux avaient contribué à l'inflation.

Au lieu de cela, ils ont réitéré leur interprétation des commentaires de M. Macklem.

«M. Maccklem a déclaré que les dépenses publiques ne sont "pas utiles" aux efforts visant à faire baisser l'inflation et les taux d'intérêt», a affirmé le porte-parole Sebastian Skamski.

Parce que les libéraux fédéraux ont augmenté les dépenses globales dans le budget de cette année, «il est clair» que M. Macklem faisait référence aux «dépenses de Justin Trudeau», a soutenu M. Skamski.

Plusieurs critiques envers la banque centrale

Après quatre ans en tant que gouverneur au cours d’une période sans doute la plus tumultueuse sur le plan économique depuis des décennies, M. Macklem sait bien avec quelle rapidité la Banque du Canada peut se retrouver prise dans une tempête politique.

La banque centrale a essuyé les critiques des politiciens de tous bords, des dirigeants syndicaux et des commentateurs.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a même promis de congédier M. Macklem pour la réponse politique de la Banque du Canada à la pandémie. Il n’a pas réitéré cette promesse depuis un moment.

Même si les députés conservateurs s'appuient désormais sur la crédibilité de M. Macklem pour tenter de démontrer que les décisions libérales alimentent l'inflation, les députés du gouvernement recherchent sa validation.

Les libéraux posent souvent des questions au gouverneur pour tenter de l'inciter à défendre le bilan financier et les politiques de leur gouvernement.

Stephen Gordon, professeur d'économie à l'Université Laval, a déclaré que c'est loin d'être la première fois que des politiciens tentent d'utiliser la Banque du Canada pour marquer des points politiques.

Il a ajouté que la tradition de longue date de la banque centrale est de ne pas se lancer dans la politique ni de porter de jugement sur la politique du gouvernement.

«Elle considère toujours la politique budgétaire comme une évidence. Elle n'est pas censée exprimer une opinion sur le point de savoir si elle est bonne, mauvaise ou non», a-t-il expliqué.

M. Gordon a déclaré qu'il était regrettable que les députés se concentrent davantage sur la notation politique que sur le fait de poser des questions de fond au gouverneur.

«Les réunions des commissions parlementaires sont vraiment une occasion manquée pour les politiciens de vraiment comprendre ce qui se passe avec la politique monétaire. L'accent mis sur les extraits médiatiques ou les citations trompeuses rend la tâche plus difficile pour la banque», a-t-il soutenu.

«La banque aimerait vraiment que les gens comprennent comment les choses se passent.»

Nojoud Al Mallees, La Presse Canadienne

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